Le travail avec le Tarot
Copyright : Laurent Edouard
Limiter l’usage du Tarot à la pratique divinatoire, c’est le confiner dans une sphère limitée et faire quelque part offense à la tradition séculaire qu’il contient et qui en est l’essence même.
Ce jeu d’initiés, expression à la mode, regorge d’enseignements cachés, il y a bien longtemps, par ceux qui détenaient une Connaissance sur l’Homme et sur le monde.
Afin qu’il survive aux époques de censure et ne termine pas au feu, ce savoir a été soigneusement codé, puis dissimulé dans les cartes d’un jeu devenant ainsi banal et donc protégé de la destruction.
Les études les plus sérieuses attribuent la naissance du Tarot de Marseille au début du XVIIIème siècle ; en 1760, Nicolas Conver, maître-cartier marseillais, a gravé les moules de bois de poirier des cartes du Tarot qui porte aujourd’hui son nom et qui représente une référence essentielle. Ces moules prouvent aussi que le Tarot est bien un ensemble de 78 cartes et non pas 22 !
Le jeu de N. Conver n’est pas pour autant le premier jeu créé, mais cela nous donne une information primordiale quant aux origines du Tarot de Marseille. Autrement dit, il n’a rien à voir avec l’Egypte (Marseille n’est pas une ville d’Egypte !) et il n’a pas non plus 2000 ans !
Pour l’avoir pratiqué moi-même depuis l’adolescence, et durant 2 ans en tant que « voyant », je dois avouer que cet outil fonctionne à merveille lorsqu’on l’utilise dans ce cadre. La richesse symbolique des cartes permet à chacun de nous d’y projeter un tas de concepts différents et d’établir ainsi une grille de lecture, une sorte d’alphabet donnant naissance à un véritable langage qui, selon la culture du praticien, son échelle de valeurs, son intelligence, peut s’avérer extrêmement subtil.
Les 22 arcanes majeurs suffisent déjà la plupart du temps, mais c’est là amputer le Tarot et donc l’affaiblir considérablement. Chacun de nous, à partir du moment où il le désire vraiment et qu’il se passionne pour le Tarot et pour l’être humain, peut expérimenter avec succès cette façon de manipuler les arcanes. A ce stade du travail, on se contente de faire des projections ; or, on peut y projeter n’importe quoi… Ce qui explique que certains verront dans Reyne d’Epée une femme veuve ou divorcée, hypocrite ou méchante, alors que d’autres y verront leur meilleure amie !
Cela n’a rien à voir avec la voyance, ni avec des dispositions médiumniques dont on ne sait d’ailleurs pas vraiment ce que c’est !
Il n’est pas indispensable d’être « voyant » ou « médium » pour devenir un bon « tarologue ». Certains en ont d’ailleurs fait la preuve…
Une différence essentielle entre la voyance et le travail avec le Tarot, c’est que ce dernier nécessite une approche de l’ensemble des cartes sous tous leurs aspects : Initiatique, symbolique, analogique, psychologique, historique, etc… Alors que la plupart des personnes qui l’utilisent en voyance n’ont pas la plus petite idée de tout cela ! Cette connaissance ne leur est pas nécessaire pour réussir leur consultation.
Intervient ici une notion de vocabulaire :
– La taromancie est l’art de prédire avec le Tarot, et la tarologie, l’étude du Tarot et de ses symboles.
Précisons que le Tarot est un système si complexe de connaissances (Des milliers de livres ont été écrits et continuent de l’être), qu’il se suffit en lui-même. Inutile d’y ajouter la numérologie, l’astrologie ou que sais-je encore. D’ailleurs, tous ceux qui ont essayé de faire ce type de rapprochements se contredisent dans les correspondances qu’ils établissent.
Lorsqu’il entre dans votre vie, le Tarot n’en sort plus, il prend une place énorme dans votre quotidien et devient un ami, un miroir dans lequel vous vous voyez tel que vous êtes. Bien sûr, cela demande des qualités d’intuition que nous possédons tous plus ou moins. Le fait d’être attiré par le Tarot est souvent l’indice d’une grande sensibilité.
Aujourd’hui, je n’utilise plus le Tarot pour prédire mais pour aider à mettre en lumière les grandes étapes de la vie des gens. Par expérience, j’ai compris que la voyance était une pratique qui influençait trop le comportement des gens, les privant, même si on les informe correctement, d’une partie de leur libre-arbitre.
Le Tarot nous éclaire ici et maintenant. La tarologie, n’a rien à voir avec la cartomancie. Le Tarot représente un véritable trait d’union entre mon consultant et moi. Parfois les gens ont besoin de faire le point, de se recentrer et de se retrouver. La consultation leur permet de mieux se connaître et de ne pas rater les opportunités que la vie leur offre. Ils ont aussi besoin de parler avec quelqu’un de neutre, qui saura les écouter et sera en mesure de leur donner un modèle, afin qu’ils voient où ils en sont dans leur histoire. Le Tarot devient une suite de cartes qui, comme en géographie, évitent de se perdre.
Il ne faut jamais considérer que le tarologue délivre une vérité absolue ; son travail est le fruit d’une interprétation complexe et personnelle, il est donc sujet à l’erreur. Son rôle se limite aux conseils (il n’impose rien), il se contente de donner des directives pour aider et favoriser la prise de décision sur les questions qui préoccupent son consultant. Les questions du type : -« Que va-t-il m’arriver », ou encore, -« A quoi ressemble celui que je vais rencontrer », puis -« Quand et où et comment », etc… ne sont pas de mon ressort. Par contre, si les questions évoluent vers : -« Pourquoi suis-je encore seul ou toujours mal accompagné ; quelles sont mes possibilités pour réussir telle entreprise », alors, dans ces cas-là , nous sommes dans le champ du travail avec le Tarot.
N’oublions pas que le but premier du Tarot est de révéler la Connaissance et il sait toujours se mettre à la portée de celui qui le manipule. Ainsi il y a bien deux degrés de lecture, exotérique (la voyance) et ésotérique. Ces deux approches n’étant pas toujours opposées. Bien entendu, je n’ai pas la prétention de détenir la Connaissance ésotérique que recèle le Tarot, je me contente seulement d’essayer de l’approcher chaque jour un peu plus…
Le travail avec le Tarot révélera vos ombres (ce que vous ne connaissez pas de vous) qui empoisonnent votre vie ; il vous aidera à situer votre anima et votre animus (vous le savez, nous avons tous une part de féminin et une de masculin, parfois refoulée…).
Nous allons voir que la mise en relation du Tarot avec les découvertes de la psychologie et de la psychanalyse n’est pas dépourvue d’intérêt, notamment avec les théories de Jung.
Un concept récent, celui de Synchronicité, permet d’envisager un pont reliant les mondes de l’esprit et de la matière, ceux de la physique et de la psyché. Ce concept est né de la collaboration de deux penseurs exceptionnels, le psychologue Carl G. Jung et le physicien Wolfgang Pauli. Les deux hommes ont publié ensemble en 1952 « Naturerklà¤rung und Psyche » :
La nature de l’interprétation de la Psyché où la synchronicité est définie comme :
– La coïncidence dans le temps de deux ou plusieurs événements sans relation causale et ayant le même contenu significatif ; des actes créatifs ; des phénomènes parallèles sans relation causale.
Ce phénomène qui se produit souvent lorsque nous manipulons les cartes du Tarot ne peut guère s’expliquer, il suffit de le constater.
Il faut accepter que l’intellect ait ses limites !
Lorsqu’un consultant pose une question, il dispose en lui de la réponse, quelque part dans ce que l’on nomme l’inconscient. En sollicitant le Tarot, on a recours à une interface qui va mettre le conscient en contact avec l’inconscient, et donc, la question avec la réponse ! Il ne s’agit donc pas de hasard mais de synchronicité. La main qui choisit la carte est sous l’emprise de l’inconscient qui détient la réponse à la question qui va s’exprimer par le biais d’une image archétypale.
Chaque carte du Tarot est un archétype, selon Jung, Dieu, la Mère, le Père, l’Homme, la Femme, le Soleil, etc… sont les archétypes essentiels. Lorsqu’on évoque le travail avec le Tarot, on est plus près de la thérapie que de la voyance. Cela ne doit pas pour autant vous effrayer, car ce travail reste toujours ludique et non traumatisant. Il constitue un choix de plus pour vous, une démarche personnelle de réflexion et d’échange avec un tarologue (quel vilain mot !), qui reste un être humain avant tout.
J’ai essayé de vous présenter succinctement une alternative à la consultation classique. J’ai souhaité que cette présentation reste la plus simple possible mais il m’a tout de même fallu aborder certains concepts pas toujours faciles à expliquer.
Laurent Edouard – 2001
6 réponses
> Le champ du travail avec le Tarot
Bonjour Monsieur Laurent edouard,
J’ai trouvé votre article très intéressant. Vous avez l’art de faire le point sur le champ d’application du tarologue et de poser la limite entre « logie » et « mancie ».
J’aurais deux petites précisions à apporter concernant le début de l’article.
Le Tarot de Nicolas Conver (1760) n’est effectivement pas à considérer comme le « premier » Tarot de Marseille, il y eut au moins celui de Jean Payen (1713) avant.
Pourquoi le jeu de Nicolas Conver est-il plus ancré dans les mémoires ? Voici la deuxième précision que je souhaitais amener :
L’origine géographique du Tarot de Marseille n’est pas Marseille. Seulement, suite à la fureur du jeu en France au 18ème siècle, selon les Préfectures, jeux de cartes (et le Tarot était assimilé à un jeu de cartes) ou cercles de jeux furent interdits. A Marseille, cependant, les Maîtres Cartiers eurent encore l’autorisation de produire les jeux de Tarot.
Marseille étant un port très actif à l’époque, le jeu de Tarot fut largement diffusé à partir de Marseille, de sorte que le jeu pris l’appellation de « Tarot de Marseille », alors qu’on peut aisément reconnaître une origine dans le Tarot des Visconti Sforza (origine italienne donc, pour la source la plus ancienne matériellement répertoriée).
Quant au jeu de Nicolas Conver, il était produit par la maison Camoin à Marseille (toujours ou à nouveau en activité avec le Tarot restauré d’Alexandro Jodorowski), ainsi il n’est pas tombé dans l’oubli malgré son « âge » et bien que n’étant pas le premier…
Les mystères de l’histoire de ce jeu de cartes est à la mesure des mystères qu’il contient ! Cela en fait un document et un support exceptionnel.
Très cordialement 🙂
Annabelle
> Le champ du travail avec le Tarot
Bonjour Annabelle,
merci pour toutes ces précisions.
Encore antérieur aux TdMs cités dans cet article qui date un peu, j’ajoute le TdM de Jean NOBLET (Paris – circa 1650).
Le connaissez-vous ? Il serait le plus ancien jeu conforme au canon marseillais.
Celui de Jean Dodal (Lyon -1701) est également fidèle au canon marseillais.
J’ignore pourquoi celui de Nicolas Conver demeure la référence.
Serait-ce parce qu’il s’agit d’un Tarot de Marseille… de Marseille ? 😀
Je partage votre conclusion sur les mystères inhérents à ce jeu exceptionnel.
Très cordialement,
Laurent EDOUARD
> Le champ du travail avec le Tarot
Bonjour Annabelle,
merci pour toutes ces précisions.
Encore antérieur aux TdMs cités dans cet article qui date un peu, j’ajoute le TdM de Jean NOBLET (Paris – circa 1650).
Le connaissez-vous ? Il serait le plus ancien jeu conforme au canon marseillais.
Celui de Jean Dodal (Lyon -1701) est également fidèle au canon marseillais.
J’ignore pourquoi celui de Nicolas Conver demeure la référence.
Serait-ce parce qu’il s’agit d’un Tarot de Marseille… de Marseille ? 😀
Je partage votre conclusion sur les mystères inhérents à ce jeu exceptionnel.
Très cordialement,
Laurent EDOUARD
> Le champ du travail avec le Tarot
Je tenais à souligner par ce commentaire que je suis réjoui de la modération de ce blog. C’est rare mais les commentaires évitent d’être pourris par du spamco et on peut donc tenir une réelle discussion. Merci à vous c’est réconfortant.
> Le champ du travail avec le Tarot
Je tenais à souligner par ce commentaire que je suis réjoui de la modération de ce blog. C’est rare mais les commentaires évitent d’être pourris par du spamco et on peut donc tenir une réelle discussion. Merci à vous c’est réconfortant.
> Le champ du travail avec le Tarot
Bonjour Monsieur Laurent edouard,
J’ai trouvé votre article très intéressant. Vous avez l’art de faire le point sur le champ d’application du tarologue et de poser la limite entre « logie » et « mancie ».
J’aurais deux petites précisions à apporter concernant le début de l’article.
Le Tarot de Nicolas Conver (1760) n’est effectivement pas à considérer comme le « premier » Tarot de Marseille, il y eut au moins celui de Jean Payen (1713) avant.
Pourquoi le jeu de Nicolas Conver est-il plus ancré dans les mémoires ? Voici la deuxième précision que je souhaitais amener :
L’origine géographique du Tarot de Marseille n’est pas Marseille. Seulement, suite à la fureur du jeu en France au 18ème siècle, selon les Préfectures, jeux de cartes (et le Tarot était assimilé à un jeu de cartes) ou cercles de jeux furent interdits. A Marseille, cependant, les Maîtres Cartiers eurent encore l’autorisation de produire les jeux de Tarot.
Marseille étant un port très actif à l’époque, le jeu de Tarot fut largement diffusé à partir de Marseille, de sorte que le jeu pris l’appellation de « Tarot de Marseille », alors qu’on peut aisément reconnaître une origine dans le Tarot des Visconti Sforza (origine italienne donc, pour la source la plus ancienne matériellement répertoriée).
Quant au jeu de Nicolas Conver, il était produit par la maison Camoin à Marseille (toujours ou à nouveau en activité avec le Tarot restauré d’Alexandro Jodorowski), ainsi il n’est pas tombé dans l’oubli malgré son « âge » et bien que n’étant pas le premier…
Les mystères de l’histoire de ce jeu de cartes est à la mesure des mystères qu’il contient ! Cela en fait un document et un support exceptionnel.
Très cordialement 🙂
Annabelle